Lundi 21 décembre 2015

Production du sel solaire chez les saliniers de Feraoun - Béjaïa

 

Farida Bakouri, Archéologue

 

La caractéristique principale de l’économie en Kabylie est la mise en valeur du sol. Du fait que celui-ci est pauvre, les paysans de cette région ont développé des stratégies leur permettant d’assurer une diversification des ressources en dehors de l’arboriculture, l’agro-pastoralisme et le jardinage.

 

Souvent dans les villages de montagne, des opportunités se présentent grâce à la présence d’une ressource permettant une production agricole qu’on peut qualifier de non conventionnelle, à l’exemple de l’activité salicole dont il est question dans ce travail.

 

La saliculture a été possible en raison de l’existence de sources d’eau salée résurgentes dans deux villages, Ichekabène et Ait Ounir de la tribu des Ihedjajdène, relevant de la commune de Feraoun, situées au sud de la wilaya de Béjaïa. Les Imellahène, une communauté réunissant trois villages ont en fait leur spécialité, d’ailleurs le nom par lequel ils sont désignés à l’échelle régionale signifie « les producteurs de sel, ou saliniers ».

 

C’est de cette filière qu’il sera question. Ses aspects techniques et son cadre d’intervention spatial et temporel saisonnier seront abordés ; on suivra son déroulement telle qu’elle est conduite par ses agents, « les agriculteurs du sel - ifelahène e lemlèh ».

 

La relance de la production saisonnière est soutenue par deux dispositifs tant festifs qu’organisationnels, à savoir la thiwizi et l’ouzi3a, des mécanismes incontournables que la communauté sollicite en prévision de la conduite de toute œuvre collective en Kabylie, actionnant l’entraide et le partage collectif, sans déroger à l’obligation de référer à la protection des saints locaux.

 

L’activité est pénible et sollicite la force physique. En parallèle le matériel technique utilisé est rudimentaire, façonné localement par les artisans vanniers, les techniques de production sont toutes aussi élémentaires. Le sel issu de la saumure est tributaire des éléments atmosphériques (soleil et énergie éolienne) nécessaires à l’évaporation, la matière première exposée au soleil se concentre dans des bassins de décantation puis précipite lors d’un processus d’une durée de trois jours, les cristaux de sel se forment et sont levés en tant que produit prêt à la consommation; immédiatement la récolte suivante est lancée de la même façon: en déversant de la saumure puisée du bassin réservoir dans les cristallisoirs.

 

Farida Bakouri, archéologue de formation, occupe le poste de Conservateur du patrimoine culturel au Musée National du Bardo d’Alger. Elle est chargée des collections ethnographiques du monde rural et saharien.

 

Illustration : Tas de sel – a3eramu- après la récolte sur la saline de Ait Ounir. Photo services de l’APC de Feraoun; wilaya de Béjaïa. 2011.

 


Mercredi 16 décembre 2015

Le roman algérien contemporain

Réflexions autour d’une algérianité littéraire

 

Lynda-Nawel Tebbani, Universités Lyon 2 et Paris Sorbonne

La littérature algérienne, toutes langues confondues, est aujourd’hui reconnue pour sa richesse, sa diversité et son étendue dans et hors les frontières nationales. Grâce à la diffusion des textes et à la présence d’un champ éditorial varié (Chihab, Barzakh, Enag, etc… ; et les publications à l’étranger), la littérature algérienne et son roman, sont, existent et demeurent. Les travaux à son sujet sont légions et porteurs de réflexions fécondes. Ses écrivains connus et reconnus. Les auteurs algériens des années 90 et 2000 sont à travers le legs des figures tutélaires, dans une nouvelle quête d’écriture et de légitimation. Il ne s’agit plus comme dans les décades précédentes de rendre compte d’une aliénation hybride ou d’un égo scripteur par l’écriture diglossique, mais de trouver art dans la forme et la complexité, l’agencement et le plan possible du texte et de sa poéticité. L’enjeu testamentaire - connu par le biais de la littérature d’urgence – est, dorénavant, désactivé au profit de la quête de sens et de la création poétique pure. La volonté créatrice tend à montrer que la poétique se meut dans la quête de forme et devient ainsi, une quête d’identité générique. La question identitaire n’induit plus la question de langue ou la question de forme, elle est une création scripturaire qui se veut mobile et nomade.

 

Cependant, au-delà d’une présentation exhaustive, il demeure important de se demander ce que l’on entend, aujourd’hui, concrètement, par roman algérien ? Qu’évoque la nomination Algérie dans un texte du genre romanesque ? S’agit-il d’un élément de référentialité, de repère topique, d’un trope poétique ? Il s’agit de réfléchir la littérarité algérienne ou plutôt l’algérianité littéraire afin de démontrer que la problématique identificatoire ne tient pas tant à ce que le roman représente le réel et les échafauds politiques intrinsèques mais en la création poétique qui vient, non proposer, mais élaborer des utopies algériennes et ainsi, à faire de l’Algérie non plus un document mais un monument.

 

Lynda-Nawel TEBBANI est doctorante en Lettres aux Universités de Lyon 2 et Paris Sorbonne sous les directions de Bruno Gelas et feu Georges Molinié. Elle est également professeur de Lettres dans un lycée privé en Ile-de-France.

 

Elle a été invitée à l’Université de Blida Ali Lounici pour animer des séminaires de littérature et de méthodologie. Membre associée au CRASC dans l’équipe de Madame la Professeur Faouzia Bendjelid, elle a dans le cadre du projet « Réceptions critiques du roman algérien contemporain » co-organisé des journées d’études, un colloque international qui se déroulera en mars 2016, à Oran et préparer des publications d’actes et une anthologie, bientôt publiées aux éditions du CRASC.

 

Elle a participé à de nombreux colloques, conférences, séminaires et tables rondes en Algérie dans le cadre de sa collaboration avec le CRASC et invitée par le CNRPAH dans le cadre de son sixième colloque annuel à Constantine ; et à l’étranger, notamment à La Sorbonne, l’EHESS et l’ENS de Lyon.

Elle a publié plusieurs articles dont : « La nouvelle littérature algérienne ou le procédé poétique de l'altérité, passer de l'écriture de l'Autre à l'écrire autrement », in. La littérature africaine francophone Mesures d'une présence au monde, Sous la direction de Abdoulaye Imorou, Editions Universitaire de Dijon, Collections Ecritures, 2014, pp.61-73 ; et les Notices « El Mahdi Acherchour », « Sadek Aissat » et « Mourad Djebel » dans le Dictionnaire des écrivains algériens de langure française, 1990-2010, Sous la direction de Amina Azza Bekkat, Amrani Hatem, Bouanane Soumeya, Bouzenada Leila, Kouider Rabah Sarah, Mouloudj Rim, Zeharaoui Meriem ; et, « Le nouveau roman algérien : une réinscription de la thèse de Khatibi » dans The Contemporary Roman Maghrébin: Aesthetics, Politics, Production 2000-2015, sous la direction de Roger Célestin, Patrick Crowley, Eliane DalMolin, Megan MacDonald. Elle a préfacé le roman de Sarah Haidar, Virgules en trombes, publié aux éditions Apic, à Alger.

 


Mardi 1 décembre 2015

Ma rencontre avec Mohand Tazerout

Itinéraire d’un intellectuel algérien

 

Jacques Fournier, Ecrivain

 

Jacques Fournier commencera par évoquer l’itinéraire qui l’a conduit à rencontrer Mohand Tazerout, dont il a épousé la fille et qu’il a bien connu depuis la fin des années 1940 jusqu’à son décès en 1973.A partir de ce lien familial, des échanges qu’il a eus avec lui et des recherches auxquelles il a procédé, il se propose d’évoquer la vie et l’œuvre de Mohand Tazerout, en insistant sur certains aspects controversés ou méconnus :

 

- L’enfance et la première formation en Algérie, avec la légende d’un voyage autour du monde qui n’a pas eu lieu et l’engagement dans la guerre de 14 ;

- L’intégration durable dans la société française par son mariage avec une institutrice vendéenne et l’exercice de son métier de professeur d’allemand;

- l’œuvre considérable du germaniste, de l’encyclopédiste, de l’intellectuel qui va s’engager à la fin de sa vie dans le conflit algérien ;

- l’évolution de sa vision des rapports de l’Algérie avec la France qui se reflète dans les écrits de la dernière période ;

- son retour vers le Maghreb et sa retraite à Tanger ;

- la redécouverte de son œuvre dans l’Algérie contemporaine.

 

Jacques Fournier a passé sa jeunesse et fait ses études en Algérie. Ancien élève de l’ENA, il est conseiller d’Etat honoraire. Il a été conseiller juridique de l’Ambassade de France au Maroc (1961-1964). Il deviendra par la suite, entre 1981 et 1994, secrétaire général adjoint de la Présidence de la République française, puis secrétaire général du gouvernement et enfin président de deux grandes entreprises publiques, le GDF et la SNCF.

 

Il a eu depuis lors diverses activités de coopération notamment en Europe de l’Est et en Palestine. Il est l’auteur de plusieurs livres dont : Itinéraire d’un fonctionnaire engagé, Dalloz, 2008 ; L'Économie des besoins, Odile Jacob, 2013 ; L'Algérie retrouvée 1929-2014, éditions Bouchène, 2014, Média Plus, 2015.

 

C’est dans ce dernier livre qu’il consacre un chapitre à la vie et à l’œuvre de Mohand Tazerout. ( chapitre III, Alliance kabyle).

 

Mohand Tazerout (1893-1973) est un philosophe, écrivain, traducteur et civilisationniste algérien. Auteur de nombreux essais, il a traduit plusieurs œuvres de philosophes allemands dont Le déclin de l'Occident : Esquisse d'une morphologie de l'histoire universelle d'Oswald Spengler en 1933 et l'Histoire des peuples et des États islamiques depuis les origines jusqu'à nos jours de Carl Brockelmann en 1949.

 

Natif de Kabylie, il fait ses études à l’École Normale de Bouzareah à Alger. Ayant achevé sa formation d'instituteur en 1942, Mohand Tazerout est nommé à l'école de Thenia. En 1912, il quitte l'Algérie pour le Caire et entame une formation à l'Université d'al-Azhar. En 1913, il part pour l'Iran où il apprend le perse.Il poursuit en 1914 son itinéraire vers la Russie où il s'initie au russe, puis séjourne en Chine et étudie le mandarin. Mohand Tazerout est mobilisé dans les Tirailleurs Algériens en 1917 en Belgique. Au lendemain de la guerre, il reprend ses études à Poitiers et prépare une licence d'allemand à l'Université de Strasbourg. De retour en Algérie en 1953, il visite Biskra, Ghardaïa et repart pour Tunis. Il meurt à Tanger en 1973. (Source : Jean Déjeux, Dictionnaire des auteurs maghrébins de langue française, Karthala, 1984)

 


Mardi 24 novembre 2015

Le système éducatif algérien Problématiques récurrentes et interventionnisme étatique

 

Mustapha Haddab, Université d’Alger

 

La politique éducative suivie en Algérie depuis l’indépendance est le produit de facteurs multiples ; certains d’entre eux sont d’ordre morphologique (démographie, mouvements de population, extension du réseau d’établissements, etc.), d’autres relèvent d’orientations politiques et idéologiques fondamentales ( démocratisation de l’enseignement, substitution de l’arabe au français, formation islamique , attachement au principe de la diffusion du savoir scientifique comme facteur de développement, …) ou du principe de la gestion centralisée du travail pédagogique. Les thèmes qui seront développés porteront sur quelques uns des aspects de l’évolution de cette politique à savoir, la formation des enseignants, le processus d’arabisation des enseignements, et l’intervention de l’Etat dans le domaine des méthodes pédagogiques. Nous évoquerons également différents modes d’articulation de ces dimensions de la politique éducative avec l’environnement socio-anthropologique de l’Ecole.

 

Professeur à l’Université d’Alger, Mustapha Haddab a donné des enseignements, de philosophie, puis de psychologie sociale, de psychologie cognitive et de sociologie de l’éducation et de la culture ; il a appartenu à plusieurs organismes de recherche comme le CREAD, l’INRE, et l’INESG. Il est l’auteur de plusieurs travaux comme , Education et changements socioculturels , les moniteurs de l’enseignement élémentaire en Algérie » Alger OPU, 1979, « L’univers culturel des jeunes ruraux scolarisés », in Les jeunes ruraux et l’école , mythes et réalités Alger CREA, 1982, « Types d’intellectuels en Algérie, problèmes de classification et de méthode », in Elites et questions identitaires, Réflexions, 1, Alger 1997, « Les évolutions de la formation et du statut social des ingénieurs dans l’Algérie indépendante, in Eric Gobe (dir.), Les ingénieurs maghrébins dans le système de formation, IRMC. Tunis 2001. Plusieurs des articles de Haddab Mustapha ont été regroupés dans un ouvrage intitulé Dimensions du champ éducatif algérien, Analyses et évaluations, Alger, Editions Arak 2014.

 

Illustration : d’après la couverture de Nedjma. Extraits, Kateb Yacine, Alger, Institut National Pédagogique, 1971.

 


Lundi 16 novembre 2015

Le musée sur l’histoire de la France et de l’Algérie
Les leçons de l’abandon du projet

Jean-Robert Henry, CNRS Aix en Provence

De nombreux travaux scientifiques ont été publiés sur l’histoire des rapports entre la France et le Maghreb. Mais peu d’initiatives ont entrepris de synthétiser ces savoirs pour les rendre accessibles à un large public, notamment scolaire. Le projet de Musée de l’Histoire de la France et de l’Algérie (MHFA) à Montpellier avait précisément pour objet d’instaurer une passerelle entre les recherches universitaires les plus récentes et le grand public. Réorientant un projet tourné initialement vers les attentes mémorielles des Français d’Algérie, il avait réussi à mobiliser plusieurs dizaines de chercheurs français et algériens pour tenter de proposer un parcours commun dans l’histoire des rapports entre les deux pays et les deux sociétés. Il s’agissait moins de confronter des mémoires antagonistes que de proposer aux porteurs de celles-ci le détour par un devoir d’histoire. Cette équipe avait aussi préparé des expositions temporaires qui étaient appelées à circuler de part et d’autre de la Méditerranée.

 

Mais en juin 2014, à quelques mois de l’ouverture du musée, le nouveau maire de Montpellier a décidé brutalement et sans concertation d’arrêter le projet, sous la pression notamment des associations algérianistes. Quelles qu’en soient les véritables raisons, une telle décision témoigne de la difficulté persistante – à l’échelle politique locale en particulier – à assumer l’histoire croisée de la France et du Maghreb. En même temps, les nombreuses réactions suscitées par l’abandon du projet au sein des institutions universitaires et culturelles et dans l’opinion ont aussi permis de vérifier l’intérêt et la légitimité de la démarche qui avait été entreprise.

 

Jean-Robert Henry a étudié et enseigné à Alger De 1963 à 1977, avant de poursuivre sa carrière au CNRS, à Aix en Provence. Commissaire en 2003 d’une exposition sur L’Algérie et la France, qui a circulé entre les deux pays à l’occasion de L’Année de L’Algérie en France, il a été sollicité en 2012 pour présider le Comité scientifique du projet de musée de Montpellier. C’est à partir de son expérience qu’il propose une réflexion sur les circonstances et les leçons de l’abandon de cet ambitieux projet.

 


dimanche 8 novembre 2015

Faire des sciences humaines et sociales dans le Liban en guerre (1975-1990)

Un métier dans la tourmente, des savoirs en conflit

 

Candice Raymond, IREMAM, Aix-en-Provence

 

Haut lieu d’enseignement universitaire depuis la fin du XIXe siècle, refuge des intellectuels arabes dissidents et moteur de l’industrie régionale de l’édition, la Beyrouth d’avant-guerre civile a été célébrée comme l’une des capitales culturelles du monde arabe de l’époque. Les années soixante sont dès lors remémorées par plusieurs générations de Libanais comme un véritable âge d’or culturel, qui aurait brutalement pris fin en 1975 lorsque la guerre civile éclata. A rebours de cette représentation commune, le déclenchement de la guerre n’a pourtant pas entraîné un effondrement subit de la scène intellectuelle beyrouthine. Bien au contraire, une nouvelle vague de maisons d’édition, de revues intellectuelles et d’institutions culturelles et de recherche ont en fait émergé après 1975. Certains chercheurs libanais conservent d’ailleurs de cette période une mémoire paradoxale, soulignant la vitalité de leurs disciplines, l’exaltation suscitée alors par les joutes intellectuelles, tout en en dénigrant les produits comme autant d’expressions insouciantes d’une culture du conflit. D’autres se souviennent plus volontiers de la seconde partie de la guerre, après l’invasion israélienne de 1982, et des conditions profondément dégradées dans lesquelles ils tentèrent obstinément de continuer à « faire leur travail », avec une conscience aiguë de leur responsabilité intellectuelle dans la Cité déchirée et meurtrie.

 

Tout au long de la guerre, suivant des phases de dynamisme et de reflux, Beyrouth est donc restée un espace de création intellectuelle et de débat, aussi bien qu’un lieu de travail scientifique et de production de savoirs. Quels furent dès lors les effets de ce contexte sur les universitaires libanais et sur les conditions d’exercice de leur métier ? Sur les disciplines qu’ils mobilisaient, les savoirs qu’ils élaboraient ? En d’autres termes, comment la production libanaise en sciences sociales a-t-elle été affectée par la guerre advenue entre 1975 et 1990 ? En s’interrogeant sur ce que la guerre et le conflit font aux sciences sociales, cette réflexion entend plus largement contribuer à une compréhension renouvelée des dynamiques affectant les champs de savoir dans le monde arabe contemporain, où la prégnance du phénomène guerrier s’impose comme une donnée majeure de toute histoire politique, sociale et culturelle.

 

Candice Raymond est historienne, actuellement chercheuse post-doctorale à l’Institut de Recherches et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM, Aix-en-Provence) et chercheuse associée à l’Institut français du Proche-Orient (IFPO, Beyrouth). En 2013, elle a soutenu à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales une thèse de doctorat intitulée Réécrire l’histoire au Liban. Une génération d’historiens face à la période ottomane, de la fin des années 1960 à nos jours. Ses travaux, à la croisée entre histoire intellectuelle et histoire des savoirs, s’inscrivent dans trois principaux champs de recherche : les historiographies arabes contemporaines, la socio-histoire des sciences sociales, et l’histoire sociale et culturelle de la guerre. Auteur de plusieurs articles et chapitres d’ouvrages collectifs, elle a co-dirigé deux dossiers thématiques de revue consacrés, pour l’un, aux « Pratiques d’archive. Fabrique, modelage, manipulations » (n°36 de la revue Ateliers d’anthropologie, 2012), et pour l’autre, aux « Ecritures historiennes du Maghreb et du Machreq » (numéro hors-série de la revue Naqd, 2014).

 


Jeudi 5 novembre 2015

Les minorités au Proche-Orient, un enjeu d'avenir

Le drame des Chrétiens et des Yézidis au Moyen-Orient

 

Sébastien de Courtois, Journaliste

 

 

La place des minorités religieuses en Irak et en Syrie est en grave danger. Les chrétiens d'Orient appartiennent à l'histoire même de la Mésopotamie. Leur langue quotidienne est issue de l'Araméen des origines. Le conférencier se propose de nous faire découvrir les communautés qu'il a rencontrées au cours de nombreux voyages et séjours et qui sont l’objet de ses travaux de recherche.

 

Journaliste, producteur à France Culture de l'émission « Chrétiens d'Orient », Sébastien de Courtois consacre ses travaux universitaires à l'étude des communautés de langue araméenne. Il est doctorant à l'École Pratique des Hautes Études et achève une thèse sous le titre : Une communauté araméophone du sud-est de la Turquie, Les Jacobites du Tour Abdin (1895-1919): approches historiques et anthropologiques d’une situation identitaire complexe.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont certains récits de voyages : Périple en Turquie Chrétienne (Presses de la Renaissance, 2009), Éloge du voyage. Sur les traces d'Arthur Rimbaud (NIL Éditions, 2013) et Un été à Istanbul. Récit d'une ville (Le Passeur éditeur, 2014). Son dernier ouvrage traite de la question de l'avenir des communautés chrétiennes du Moyen-Orient : Sur les fleuves de Babylone, nous pleurions. Le crépuscule des chrétiens d'Orient (Stock, 2015).

Sébastien de Courtois est l'invité de l'Institut Français d'Algérie pour le Salon International du Livre d'Alger.

 


Lundi 2 novembre 2015

La leçon de Le Corbusier  à Alger :

L’Aéro-habitat (1950-1959)

Interprétations par l’architecte Louis Miquel

 

Nabila Stambouli-Benkhaled, EPAU-Alger

 

« Rien n'est transmissible que la pensée, noblesse du fruit du travail. Cette pensée peut ou non devenir une victoire sur le destin au-delà de la mort et peut-être prendre une autre dimension imprévisible[1]». En s'adressant ainsi à sa postérité, Le Corbusier tenait à lui rappeler que toute activité se termine par la mort, alors que seule la pensée est communicable. Bien que n’ayant réalisé aucun de ses projets en Algérie, Le Corbusier a eu une grande influence sur des architectes qui ont participé à l’édification des villes algériennes et l’écho de sa pensée et de son œuvre s'est manifesté en Algérie dans un mouvement appelé l’«école corbuséenne d'Alger ». Ces architectes se sont principalement intéressés au domaine de l’habitat collectif en tentant d’y apporter de nouvelles solutions qui se voulaient plus pertinentes par rapport au contexte Algérien. Parmi ces architectes, Louis Miquel en est sans doute le personnage le plus remarquable. Auteur de l’Aéro-habitat en collaboration avec P. Bourlier et J. Ferrer-Laloë, A. Allingry et M. Gut, cet architecte va, dans cette construction, mettre en pratique les leçons apprises lors de ses différentes collaborations avec Le Corbusier. Comment la leçon d’architecture et d’urbanisme de Le Corbusier a-t-elle été interprétée puis réinterprétée par l’architecte Louis Miquel lors du projet de l’Aéro-habitat ? Quelles sont les principales filiations de l’œuvre de l’Aéro-habitat avec le modèle corbuséen ? Quelles sont les éléments d’émancipation doctrinale d’ordre techniques ou stylistiques apportés par Louis Miquel dans cette construction? Existent-t-ils, dans cette œuvre construite des spécificités liées au contexte politique, social, culturel ou bien économique de l’Algérie pendant cette période ? L’objectif principal de ce travail est donc d’essayer de replacer l’œuvre architecturale et urbaine de l’Aéro-habitat dans l’histoire de l’architecture et ce, à travers l’adoption d’une approche comparative de cet ensemble d’habitat collectif avec les modèles corbuséens dont l’architecte affirme s’être inspiré.

 

Nabila STAMBOULI-BENKHALED est architecte diplômée de l’école Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme et enseignante chargée de cours du module de Dessin Codifié d’Architecture au sein de cette même école (Epau). Elle a soutenu en mai 2015 son diplôme de magister en « Patrimoines architectural et urbain» sur le sujet de «L’école Corbuséenne d’Alger : L’œuvre de l’architecte Louis Miquel dans les ensembles d’habitat collectif à Alger, cas de l’Aéro-habitat et de la cité Henri Sellier» encadré par Mme Nabila Chérif. Très active dans le domaine de la recherche scientifique, elle a eu l’occasion de présenter plusieurs conférences parmi lesquelles une conférence intitulée : « L’école Corbuséenne d’Alger, entre émancipation doctrinale et référence au maitre » aux 5èmes rencontres internationales du Patrimoine Architectural Méditerranéen (RIPAM 5) tenues à Marseille en 2013. Elle a aussi publié un article intitulé « L’Aéro-habitat, avatar d’un monument classé ? » en juin 2014 dans la revue « Livraison d’histoire d’architecture ». Elle a aussi participé à de nombreuses manifestations internationales telles que le programme européen EUROMED Mutuel Héritage en 2012 et à la 28ème session des ateliers internationaux de maîtrise d’œuvres urbaine en 2010. En parallèle à sa vie d’enseignante-chercheuse, l’auteur de la conférence est co-gérante du bureau d’étude B.H.N Archiwork avec l’architecte agrée Hemza BENKHALED.

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[1] Le Corbusier (1966), p.61


Jeudi 15 octobre 2015

Apport de l’islamologie maghrébine

Le cas des études coraniques

 

Mohamed - Sghir JANJAR, Anthropologue et directeur de la revue Prologues - Casablanca

 

 

En partenariat avec l'Institut de recherches sur le Maghreb Contemporain de Tunis IRMC, les Glycines organisent pour l'année 2015-2016 un cycle de conférences sur le thème " Études islamiques au Maghreb ". Animées par des chercheurs du Maghreb, les conférences aborderont quelques-unes des problématiques de la recherche contemporaine dans le champs de l'islamologie.

 

"Dans le champ des études coraniques, l'on assiste une situation paradoxale : sur le plan international (en Europe et en Amérique du nord) la recherche dans ce domaine est à un tournant majeur, tandis que dans le monde islamique où le texte coranique est plus accessible que jamais, non seulement l’approche historico-critique est encore méconnue au sein des établissements de l’enseignement supérieur, mais la production intellectuelle contemporaine semble en deçà des travaux exégétiques de la première moitié du XX e siècle (Mohamed Abduh, Mohamed Tahar Ben Achour ...).

 

Tout en partageant de nombreux traits dominants avec l’ensemble islamique, le Maghreb se distingue par la production, dans ses marges, d’une islamologie moderne, notamment dans le champ des études coraniques. Pour illustrer cette particularité maghrébine, je m’appuierai sur trois figures de chercheurs et intellectuels maghrébins dont l’œuvre s’est imposée au-delà du « monde arabe » : Mohamed Arkoun, Mohamed Abed Al-Jabri et Abdelmajid Charfi.

 

J’essayerai d’analyser les traits communs et les éléments constitutifs de la singularité de leurs travaux en matière d’études coraniques, tout en montrant en quoi consiste leur apport à l’islamologie contemporaine."

 

Mohamed-Sghir Janjar est né en 1956. Docteur en anthropologie (université de la Sorbonne), il est directeur de la revue Prologues et directeur de rédacteur la revue al-Madrassa al-Mghribiya (l’Ecole Marocaine), revue de réflexion et de débat spécialisée dans les questions de l’éducation et la formation, éditée avec le soutien du Haut Conseil de l’Enseignement. Il codirige avec Ali Benmakhlouf la collection « Débats philosophiques » publiée aux Editions Le Fennec (Casablanca). En 2007, il crée la collection « Religion et Société » aux Editions Prologues.

 

Chercheur et traducteur, les travaux de Mohamed–Sghir Janjar ont porté sur de nombreux champs d’étude : Mutations de la société marocaine contemporaine ; religion et culture dans le monde arabo-islamique ; la société civile et plus spécialement le mouvement féminin marocain ou l’état de la recherche et de l’édition au Maroc. Il a publié plusieurs études et collaboré à des ouvrages collectifs dont notamment :

  •  De l’usage équitable des politiques de discrimination positive à propos de l’accès des femmes aux mandats électifs, Casablanca : ADFM, 2003.
  •  Essai sur la formation de la mystique musulmane, Palerme : Faculté de théologie, 2002.Le Maroc au XXè siècle, (avec M. ‎Sijelmassi), Casablanca : Editions Oum, 2001.
  •  Mémoire du Maroc, (avec M. ‎Sijelmassi et A. Khatibi), Casablanca : Editions Oum, 1997.
  • Penseurs maghrébins, (en collaboration avec d’autres), Casablanca : Eddif, 1993.

 Parmi ses derniers articles :

  •  « De la traduction : « pour un nouvel âge du tadwîn » » in Le Réveil démocratique, sous la direction de Ali Benmakhlouf, Casablanca, Editions DK, 2014, p. 209- 229.
  •  « Enjeux et usages de la tradition dans le cas de l’islam contemporain » in Le Réveil démocratique, sous la direction de Ali Benmakhlouf, Casablanca, Editions DK, 2014, p. 279-298.
  •  « Religion et politique : pour une double critique des thèses de l’unité et de la distinction » in la revue Nahda, 2014, p. 31-37.
  • « Elites marocaine face à la problématique de la liberté de conscience », trad. Arabe de Mustapha Nahhal, 2014. www.mominoun.com
  • « Sociologie des religions et le paradigme de la sécularisation » in Pratiquer les sciences sociales au Maghreb, Casablanca : Ed. Fondation du Roi Abdul-Aziz, 2014, p.91-105.
  •  « Le pari de la traduction du Vocabulaire européen des philosophies vers l’arabe » avec Ali Benmakhlouf, in Philosopher en langues, Paris : Presses de l’Ecole normale supérieure, 2014, p. 29-39.
  • « La religion à l’école : enjeux de l’enseignement religieux au Maghreb » in Du Maghreb et d’ailleurs, Casablanca : Ed. Fondation du Roi Abdul-Aziz, 2014, p. 165- 183.
  •  « De l’instrumentalisation du sacré dans le cas marocain : du mahdisme à l’islam politique » in Le sacré et ses instrumentalisations, Tunis : Ed. de l’Université de Menouba, 2015, p. 43-50.
  •  « Etat de la traduction dans le monde arabe » in revue électronique The What ?, n°8, 2015. www.magazine.mominoun.com

 


Mardi 6 octobre 2015

ÉLÉMENTS POUR UN ART NOUVEAU

Mohamed Khadda

 

Présentation des écrits de l’artiste par Naget Khadda

 

 

 

"Les deux livrets (Éléments pour un art nouveau, 1972 et Feuillets épars liés, 1983) sont aujourd'hui introuvables en librairie, quoique toujours cités dans la presse. Les autres textes sont disséminés dans des publications diverses et, de ce. fait, difficiles d' accès. Il m'a donc paru nécessaire de rassembler et de remettre en circulation ces essais [Eléments pour un art nouveau suivi de Feuillets épars liés et inédits, [ barzakh ], Alger, 2015] qui, désormais font partie du corpus de documents portant sur l'activité culturelle initiée au moment de l'accession de l'Algérie à l'Indépendance. Les artistes et intellectuels algériens étaient alors fort peu nombreux, mais ils étaient très motivés et, pour la plupart d'entre eux, éminemment présents dans le débat sociétal et politique. Entre enthousiasme, volontarisme et esprit critique teinté parfois de scepticisme, voire de négativisme, le champ médiatique et l'espace des manifestations culturelles bruissaient du débat d'idées qu' artistes, intellectuels, militants politiques, journalistes, syndicalistes et simples citoyens alimentaient de leurs aspirations, de leurs visions, de leurs craintes et de leurs préconisations. La culture était bien, à leurs yeux, un enjeu majeur du procès d'édification nationale. […]

Dans ce panorama où chaque peintre a joué sa partition propre, Khadda a occupé une place singulière. Connu et reconnu en tant qu' artiste-peintre, il jouissait aussi d'une audience particulière en raison des idées qu'il défendait, mais aussi du fait des liens qu'il entretenait avec des artistes d'autres disciplines (cinéastes, dramaturges, musiciens et autres poètes ... ), dialoguant sur leurs œuvres, produisant une affiche pour tel film, un décor pour telle pièce de théâtre etc. Par ces échanges interdisciplinaires, tout en nourrissant sa quête picturale, Khadda approfondissait sa réflexion générale sur le concept même de culture nationale. Réflexion dont son œuvre porte l'impact, dont ses écrits se font l'écho, sa recherche esthétique se précisant progressivement dans sa coalescence avec sa conception générale de la culture. Une culture qu'il projetait comme démocratique et populaire, à la fois adossée à une tradition séculaire, irriguée par les multiples influences de ses fluctuations historiques et inscrite dans une modernité ouverte sur le reste du monde. […]

 

Les écrits de Khadda ont aussi la faculté de nous mettre en relation avec son univers par un biais autre que la peinture. Il avait à l'écriture un rapport très particulier : à la fois celui du militant soucieux d'efficacité et celui de l'esthète qui soigné ses phrases et caresse les mots comme un poète (qu'il était. aussi à ses heures perdues). Son expression d'essayiste, à la fois spontanée et métaphorique, était habitée par la même conscience de la polysémie et de l'ambiguïté du sens que ses toiles ou que les rares poèmes qu'il s'est abandonné à écrire. Car il appartient à cette catégorie de peintres chez qui l'inspiration viscérale a indéniablement intégré une maturation intellectuelle du geste de peindre. En somme, la tête et le corps s'associent pour donner une expression à la fois spontanée, sensuelle et très élaborée. Cette alliance du pulsionnel et du cérébral qui préside au travail pictural de Khadda s'affiche aussi dans son travail scriptural ; ce qui justifie aussi cette publication, s'il lui fallait un quelconque alibi. Je souhaiterais également que cette livraison constitue, de surcroît, un témoignage sur les débats politico-intellectuels de l'époque, qu'elle soit l'occasion de revisiter le climat intellectuel et citoyen qui a prévalu dans la société à l'aube de l'indépendance, quand la plupart des intellectuels considéraient, nous l'avons dit, de leur devoir d'apporter leur obole à un projet de société en train de se construire." [Extrait de la préface d'Eléments pour un art nouveau suivi de Feuillets épars liés et Inédits, [ barzakh ], Alger, 2015]

Mohamed Khadda est né en 1930 à Mostaganem. Artiste polyvalent (peintre, sculpteur, graveur), il est l’un des principaux représentants des « peintres du signe » et une figure intellectuelle majeure de l’Algérie indépendante.


Naget Khadda est Professeur à l'Université d'Alger, elle a été directrice de l'équipe ADISEM, puis Maître de conférences à l'Université Paul Valéry à Montpellier. Elle est l'auteur entre autres de : Écrivains maghrébins et modernité textuelle, L'honneur de la tribu de Rachid Mmouni et Bachir Hadj-Ali, poétique et politique.

 


Jeudi 1 octobre 2015

Djneïns El-Djezaïr

Géographie, toponymie et typologie des jardins d’Alger

 

Farid Hirèche, Architecte de jardins

 

L’art des jardins correspond à l’une des formes les plus éphémères de la création humaine. Le jardin, construit avec des éléments périssables ou fragiles, est destiné à se modifier ou à disparaître. Lorsque les traits de son dessin n’ont pas été fixés par des matériaux durables, il est rare qu’il subsiste pendant de bien longues années.

 

El-Djezâïr, Alger est bâti, face au miroir de la Méditerranée, en grande partie sur le penchant d’une colline escarpée. En présence de cette nature au profil heurté, il a fallu adopter absolument le système en escaliers, superposer les terrasses et imprimer aux jardins un aspect de construction. Conçus dans le goût oriental de l’art des jardins, ces Djneïns d’Alger, d’où la vue s’étend librement jusqu’à la mer, sont fait d’espaces de transition, volontairement discontinus, presque autonomes, partagés entre la sphère privée et la sphère publique. Djenîna / Djneïns, Bahîra, Riyâd / Rawda, Req’a, Tâ biyyat el-Hendî, Bustân, Gulistân, Muniya, ‘Arsa, Agdâl, toutes ces appellations contiennent des indications précises sur la dimension, les formes, la fonction, la situation, la destination des dits espaces…

 

A travers une lecture critique des récits de voyageurs, écrivains, artistes et poètes, s'appuyant sur les recherches récentes de spécialistes architectes, urbanistes, paysagistes et historiens de l’art musulman, et à travers l’étude d’une dizaine de jardins remarquables dont certains existent toujours, la conférence se veut une synthèse de l’art des jardins ‘‘ottomans’’ d’Alger. Grâce à un fonds documentaire riche et varié, dont certains documents graphiques inédits, Farid Hirèche dévoile l’âme et l’esprit de ces jardins, qualifie leur structure et lignes de construction, caractérise leurs atmosphères et leurs ambiances végétales. Outre cette invitation au voyage dans l’univers des jardins et leur histoire, souligne l’importance de sauvegarder et de valoriser notre patrimoine collectif végétal.

 

Farid Hirèche est architecte de jardins, diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles (France). Il exerce depuis 2011, au sein de son atelier De Pleins & de Vides. Après une carrière dans l’industrie pharmaceutique, le biochimiste a choisi de se consacrer au paysage. il développe l'association Jardin Art & Soin des projets de jardins thérapeutiques. En Suisse, il réhabilite le plan du jardin à la française du château de la Poya. En France, à Chaumont sur Loire, avec le paysagiste Ghanem Laribi, il imagine un jardin éphémère, ‘‘Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé’’, influencé par la forme du bassin du Partal des jardins de l’Alhambra qui évoque l’expérience mystique de l’amour chère aux soufis. A Alger, il collabore notamment à l’extension du jardin Tifariti. Son projet est de renaturaliser les villes algériennes en faisant renaître l’art des jardins arabo-berbères.

 

جنان الجزائر – Petits paradis d’Alger, Alternatives Urbaines Éditions 2014

 


Lundi 21 septembre 2015

Implanter l’État, vaincre la distance

Postes, Télégraphes et Téléphones dans l’Algérie colonisée (1860-1939)

 

Annick Lacroix, ISP-ENS Cachan

 

Au contact des populations, les PTT sont tout autant incarnés par le facteur qui arpente les chemins, sous un soleil de plomb ou dans la boue, par l’ouvrier réparateur des lignes, le guichetier qui affronte la longue file d’attente des jours de paie ou de marché ou l’opératrice du téléphone prise à partie par des usagers excédés. Travaillent ainsi côte à côte des facteurs, des receveurs et des ouvriers, des citoyens et des non-citoyens, des hommes et des femmes, des ruraux et des citadins.

 

Présente dans chaque ville et chaque village d’Algérie, l’administration des PTT constitue un observatoire efficace des rapports sociaux complexes et asymétriques qui se jouent en situation coloniale. Ce réseau de plus en plus étendu et maillé contribue à l’appropriation et au contrôle du territoire. Enfin, le déplacement du regard du côté des usages nourrit une réflexion sur les possibilités de communication de populations rurales, défavorisées et colonisées. Loin de demeurer des usagers passifs, les Algériens revendiquent activement à partir des années 1920 l’ouverture d’agences postales et la nomination de facteurs dans les douars.

Ce travail de thèse a été rendu possible par la consultation de nombreuses archives conservées en France et en Algérie. Entre 2010 et 2014, une documentation très riche a pu être examinée à Birkhadem et dans les wilayat d’Alger, Oran et Constantine, ainsi que dans les locaux de la poste algérienne.

Agrégée en histoire, Annick Lacroix est actuellement chercheuse associée à l’Institut des sciences sociales du politique (ISP-ENS Cachan) et attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’Institut national des Langues et Civilisations orientales (Inalco). Elle a soutenu en décembre 2014 une thèse intitulée « Une histoire sociale et spatiale de l’État dans l’Algérie colonisée. L’administration des Postes, Télégraphes et Téléphones du milieu du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale », réalisée sous la direction de Raphaëlle Branche et Olivier Wieviorka.

 

Sources : Martial Remond, Au cœur du pays kabyle, Alger, Editions Baconnier-Hélio, 1933, p. 142. ; « Types indigènes. Méhari. Courrier postal du Sahara » Carte postale, collection Delcampe ; Agrandissement de la carte postale du bureau de Saint-Lucien, Archives privées C. Pinoteau. ; Laghouat, le courrier à la prise d'eau

 


Vendredi 3 juillet 2015

Veillée poétique
22h00

سهرة شعرية

 

Lectures à plusieurs voix de poésies de langues française, arabe (arabe algérien et arabe fusha) et amazighe. Intermèdes musicaux au oud par Noureddine Saoudi.

 

قراءات متنوعة لنصوص شعرية باللغات العربية الفصحى و الجزائرية ، الفرنسية و الأمازيغية. استراحات موسيقية بآلة العود لنور الدين سعودي

 

Illustration : Abdallah Benanteur, L’oiseleur, eau forte, 18×15 cm, in Benanteur gravures, Enag – AEFAB, 1989.

 


Dimanche 28 juin 2015

"Si tu veux connaître ma ville ..." Alger racontée par un architecte

Voyage aérien sur Alger. Projection de cartes et plans, de dessins et de photographies aériennes

 

Halim Faïdi, Architecte - Urbaniste - Scénographe

 

"Depuis toujours, les établissements humains obéissent aux mêmes règles fondamentales. La ville est un contenant, et nous-mêmes, partie du vivant avec la faune et la flore, constituons le contenu. Réunis, nous formons un organisme vivant capable de se dégrader ou de se régénérer, d'exister pour mille ans ou de disparaitre à jamais. Le contenu et le contenant sont intimement liés comme le corps et l'esprit. Nous créons individuellement et collectivement notre cadre de vie intime et influençons notre environnement global qui finit par agir sur nous, capable de scléroser nos esprits ou de libérer nos sens. Si tu veux connaitre ma ville, tu dois d’abord me connaitre, comprendre de quoi je suis pétri et en quoi je suis singulier. Me regarder de loin ne suffit pas. Il te faut me côtoyer ou me laisser te hanter. Pour aimer ma ville, tu dois d’abord m’aimer et pour m’aimer, tu dois me connaitre. Je suis né moderne et indépendant dans une ville schizophrénique. J’ai grandi au travers d’une Place, d’une avenue, d’un boulevard, d’un square, d’une rampe, d’un escalier ou d’une impasse. Mes repères balancent sans cesse entre les hauts et les bains. La boussole et le plan n’ont jamais pu guider mon parcours sans cesse entre montagne et baie, entre ciel et mer. Tu montes ou tu descends ?

Je suis le nègre blanc de ferré, qui mangeait du cirage parce qu’il se faisait chier à être blanc ce nêgre. Si je pouvais retirer ce qui reste de ce que je fus à travers les siècles, si je pouvais soustraire la fantaisie qui nourrit mon égo, mon reflet, l’Homme que je parais être, l’Algérois vu d’ailleurs, il resterait mes langues préférées, celles orales et celles écrites, ma part du rythme et celle de la danse. Il resterait mes contradictions, mon patriotisme contre ma soif d’ailleurs, mon regard révolté contre mes révolutions. D’autres ont essayé de me transformer. En vain. Ma formule est complexe, elle relève de la chimie des explosifs, à manipuler avec délicatesse : Je suis un berbère africain, judaïsé, christianisé, latinisé, arabisé, islamisé, passé d’Homme libre – c’est mon nom générique– à indigène insoumis, surexploité, à nouveau libéré, par lui-même, puis encore éconduit, par lui-même, endoctriné, restreint et sous-étudié, indocile et avide d’irrévérence. Putain, Quelle Histoire. J’écris en français tout ce que je peux penser en arabe pour décrire mon rêve berbère. Ma mue se fait sur des mémoires floues. Les plus récentes ont dessiné ma dernière peau. Je ne me souviens ni des phéniciens ni des vandales. De Rome, j’ai retenu le vin et des Arabes la langue de ma foi. De l’Andalousie, il m’est resté le raffinement, la poésie et la douceur d’un arc qui chante. Le souvenir de la chute de Grenade est trop éloigné pour avoir cultivé ma rancœur. De la France, il m’est resté un peu d’universalité et beaucoup d’amertume. La fraternité passe par l’égalité et les deux ne sont rien sans la liberté. De la France, j’ai accepté un héritage précieux - l’extension d’Alger, source de ma multi-polarité et preuve s’il en fallait que j’existais bien avant la révolution industrielle et le colonialisme."

Halim Faïdi, extrait du texte "Algérois du Monde" exposé à la Manne - Paris, dans le cadre de l'Exposition Alger en Vies – 2015, Mohamed Larbi Merhoum, commissaire de l’exposition. Diplômé de l’EPAU, Ecole polytechnique d’architecture et d’urbanisme d’Alger en 1988, Halim Faïdi est architecte urbaniste et scénographe. Il est l’auteur de la rénovation et la transformation des Galeries Algériennes d’Alger, qui abritent le Musée d’Art Moderne d’Alger (MAMA). Lauréat du prix Prix Tony Garnier (Paris, 1990), il a reçu en 2012 le Prix National d’Architecture et d’Urbanisme et le Prix du président de la république pour la conception du nouveau siège du Ministère des affaires étrangères à Alger.

 


Mardi 16 juin 2015

Les Oulémas et le nationalisme économique des années 1940

La dimension économique du mouvement de l’Iṣlâḥ


Shoko WATANABE
, Institute of Developing Economies, Chiba, Japon

La présente communication porte sur le rapport entre l’Association des Oulémas Musulmans Algériens et ses soutiens financiers. Basé sur l’idée de nation musulmane, el-Oumma, comme communauté économique, les Oulémas, convaincus de la nécessité d’une renaissance économique de la communauté, appelèrent à actions de dons et d’investissements en faveur d’activités religieuses et éducatives.

Par ailleurs, les hommes d’affaires musulmans qui comptaient parmi les soutiens financiers des Oulémas et qui avaient souffert de l’économie oligopolistique fortement contrôlée par l’administration coloniale, lancèrent après la deuxième guerre mondiale un projet d’investissement collectif pour mettre en œuvre les idées des Oulémas en matière d’économie. A travers le mouvement méconnu de ces hommes d’affaires qui contribua largement aux activités des Oulémas, on perçoit en écho les positions du mouvement de l’Iṣlâḥ dans le champ économique.

Historienne, Shoko Watanabe a soutenu en 2012 à l'Université de Tokyo sa thèse de doctorat sur le mouvement de l’Iṣlâḥ : L’Association des Oulémas Musulmans Algériens et son rapport avec le nationalisme. Elle est actuellement chercheur à l’Institute of Developing Economies de Chiba (Institut des économies en voie de développent).

 


 

Lundi 8 juin 2015

UNEF-UGEMA, combats étudiants pour l’indépendance de l’Algérie

 

Dominique Wallon, Institut d'études politiques - Paris

 

Avril 1960, « les représentants élus des étudiants de France » dénoncent le caractère colonial de la guerre d’Algérie et demandent des négociations politiques avec le FLN. Juin 1960, l’UNEF et l’UGEMA signent à Lausanne une déclaration commune. Octobre 1960, l’UNEF appelle les organisations démocratiques à organiser les premières manifestations publiques contre la guerre.

Cette conférence reviendra sur le processus de pédagogie militante qui a permis à l’UNEF, syndicat unique auquel adhéraient 50% des étudiants, de passer d’une position «apolitique » en 1956 à un engagement total de 1960 à 1962 pour le droit à l’indépendance du peuple algérien.

Elle s’efforcera d’expliquer comment le caractère presque provocateur des initiatives étudiantes, a contribué à mettre fin à la prudence extrême voire l’abstention des syndicats ouvriers et enseignants et des partis de gauche, avant les mobilisations populaires de 1961 et 1962.

Dominique Wallon fut successivement de 1959 à 1962 président des étudiants de l’IEP de Paris, vice- président, chargé de l’Algérie, puis président de l’UNEF. Il a été à ce titre responsable du dialogue avec l’UGEMA. Ancien élève de l’ENA, inspecteur des finances, il a fait la majeure partie de sa carrière au Ministère français de la culture comme directeur du développement culturel (1981), directeur général du Centre national de la cinématographie (1989), directeur de la musique, de la danse et du théâtre (1997)

 

Lundi 1 juin 2015

La fin du cycle des États-nations, conséquences pour le Maghreb et l'Europe

 

Jean Dufourcq, Institut de stratégie comparée - Paris

 

Nous vivons des temps sans ressemblance stratégique. Depuis la fin de la guerre froide, il y a 25 ans, l’ancien ordre du monde se déconstruit et ce phénomène semble s’emballer. Les puissances anciennes se relativisent et peinent à maintenir les règles du jeu international établies à la fin de la Seconde guerre mondiale ; des puissances nouvelles réclament une plus grande part de la gouvernance mondiale.

Le phénomène de globalisation a facilité l’apparition de nouveaux acteurs, médias, marchés et criminalité organisée qui contestent aux Etats la conduite des affaires nationales et régionales et leur imposent peu à peu leurs règles. Un nouvel âge historique se dessine qui se stabilisera dans une à deux décennies et qui invite les Etats à mieux définir leurs intérêts communs pour consolider leur existence menacée et tirer bénéfice de la nouvelle situation qui se profile. Le Maghreb et l’Europe qui partagent une histoire commune, que la géographie humaine, physique et économique rapproche sont bien placées pour valoriser leurs atouts communs et complémentaires, anticiper le reclassement en cours et répondre aux aspirations de peuples en demande de stabilité et de prospérité.

Ancien élève du Prytanée militaire et de l’Ecole navale (EN 69), contre amiral (2ème S), Jean Dufourcq est chercheur associé à l’Ecole militaire, (Institut de stratégie comparée et RDN, Paris). Il anime depuis fin 2014 la lettre bimensuelle d’analyse stratégique, La Vigie (www.lettrevigie.com).

Auditeur du Centre des Hautes Etudes Militaires et de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale, il a été conseiller auprès des Ministères français de la Défense et des Affaires Etrangères. Il a dirigé la recherche académique du collège de défense de l’OTAN à Rome, été directeur d’études à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire et rédacteur en chef de la Revue Défense nationale ; il a été également enseignant vacataire à Paris II, Paris XI, Bordeaux IV.

Docteur en science politiques, analyste en relations internationales et stratégiste, membre honoraire de l’Académie de marine et de l’académie royale de défense suédoise, il prend part aux débats de sécurité par ses publications académiques et les séminaires qu’il tient dans ces disciplines.

Parmi ses dernières publications : « Le débat stratégique» revue La Baille, janvier 2015 ; « L’Europe stratégique au défi de l’Asie » Site de l’Université Paris Dauphine, avril 2014 ; « L’ordre nucléaire a canalisé les tensions » Revue Réforme n°3553, mars 2014 ; « La sécurité des Etats à façade sahélienne », RDN Tribune 482, février 2014.

Illustration : Alfred Manessier, Soir d'été dans la baie de Somme, huile sur toile, 1947. Collection privée.

Mardi 19 mai 2015

Contribution à la géographie linguistique du berbère chaouïa

 

Malek Boudjellal, CNRPAH - Alger

Malek Boudjellal présentera sa thèse de doctorat soutenue à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco, Paris) en février 2015. Il s’agit d’une étude de géolinguistique de terrain et de dialectologie sur un dialecte berbère, le chaouïa, parlé dans l’Est algérien, les Aurès et les régions limitrophes. Depuis les travaux d’André Basset, ce domaine de recherche est peu exploré bien que cette variante soit considérée comme le deuxième parler berbère d’Algérie en nombre de locuteurs.


M. Boudjellal exposera sa méthodologie de travail, ses différents points d’enquêtes, puis les résultats de sa recherche sous forme de cartes linguistiques commentées, et enfin il présentrera sa proposition de classification des parlers étudiés. Son exposé sera accompagné d’indications - données démographiques et organisation sociale - sur le groupe linguistique étudié.


Né à Sédrata en 1977, Boudjellal Malek est titulaire d’une thèse doctorat en linguistique, domaine langue et civilisation berbère, soutenue à l'INALCO en 2015 (Langues'O, Paris). Il est également titulaire d’un doctorat vétérinaire obtenu à l'École Nationale Vétérinaire d'Alger en 2001. Il fut pendant 4 ans animateur-producteur radiophonique à la Chaine 2 en chaouïa, en arabe parlé à Radio El Bahdja et en français à la Chaine 3. Lecteur de berbère chaouïa pendant deux ans à l'Université d'Aix-en-Provence, il est actuellement attaché de recherches au Centre National de Recherches Préhistoriques, Anthropologiques et Historiques, CNRPAH, Alger.

 


Mercredi 22 avril 2015

La darija, une langue à part entière ?

 

هل الدارجة لغة ؟

الدارجة لغة ولّا ماشي لغة ؟

 

Programme - البرنامج

 

1. L’arabe algérien : approches sociolinguistiques et didactiques

مقاربة سوسيولغوية و تعليمية للدارجة الجزائرية

 

Khaoula Taleb Ibrahimi, Université Alger 2 : « La darija une langue à part entière » "هل الدارجة لغة ؟"

Matthieu Marchadour, Université Rennes 2 « La méthode Kamal, une méthode d’apprentissage de l’arabe algérien : étude didactique »

Fatma Zohra Chaïb, Université Alger 2 « L’actualisation des contenus langagiers de la méthode Kamal »

فاطمة الزهراء شايب : تحديث المحتويات اللغوية لطريقة الكمال (نظرة دينامية لتطور الدارجة)

 

2. Dictionnaires de l’arabe algérien, nouvelles éditions et rééditions : présentation par les auteurs et éditeurs

تقديم القواميس المزدوجة للغة العربية الجزائرية الصادرة مؤخرا من طرف المؤلفين والناشرين

 

مهدي براشد، معجم العامية الدزيرية بلسان جزائري مبين2013 Editions Vescera

Belkacemm Ben Sedira, Dictionnaire français-arabe de la langue parlé en Algérie, Dar Khettab, 2015

Marcellin Beaussier, Mohamed Ben Cheneb, Dictionnaire pratique arabe-français, OPU, 2015

 

3. Littératures populaires, conservatoires des parlers arabes algériens »

دور الأدب الشعبي في الحفاظ على الدارجة

 

Abdelhamid Bourayou et Hamid Bouhbib, Université Alger 2 « Le rôle de la littérature populaire dans la préservation de la darija » table ronde

عبد الحميد بورايو و حميد بوحبيب : دور الأدب الشعبي في الحفاظ على العاميات الجزائرية

 

Conclusion et synthèse des travaux

ختام اليوم الدراسي

Khaoula Taleb Ibrahimi et Abderrazak Dourari, Université Alger 2, Philippe Blanchet, Rennes 2 « Plaidoyer pour les langues maternelles »

 

 

Depuis 2012, le domaine de la linguistique a vu la publication ou la réédition d’au moins cinq dictionnaires bilingues d’arabe algérien* alors que la presse arabophone et francophone a traité à maintes reprises de la question des langues parlées, de l’arabe algérien en particulier et ce sous des formats divers (débats, exposés de spécialistes, interviews, comptes-rendus de manifestations) dont plusieurs dossiers thématiques en pages centrales. Les réseaux sociaux ne sont pas en reste avec diverses initiatives de valorisation du patrimoine vernaculaire, dont d’ambitieuses entreprises de traduction de textes scientifiques et littéraires en langues parlées.

 

Que signifie ce regain d’intérêt pour les parlers algériens ? Pourquoi maintenant ? Peut-on considérer ce phénomène comme autant de signaux qui n’échappent pas à la vigilance des spécialistes et qui démontrent que la société algérienne est en pleine évolution, en quête de son algérianité ? Vecteurs de la socialisation des locuteurs algériens, socles (avec les parlers amazighes) de leurs pratiques langagières et instruments de communication au quotidien, les langues maternelles et leur perception dans le large public sont en train de changer. La stigmatisation au nom d’un purisme exclusif de toute expression non canonique ne semble plus de mise. Par ailleurs, le répertoire de la poésie populaire citadine d’Alger connue sous l’appellation « chaabi » ne cesse d’être réexploré et valorisé par la jeune génération des écrivains, des chanteurs et des poètes.

 

Depuis 2013, une équipe de spécialistes des Universités d’Alger 2 et de Rennes 2 entreprend une révision/actualisation de La Méthode Kamal© d’enseignement de l’arabe algérien produite et utilisée par le Centre d’études diocésain Les Glycines depuis quatre décennies. A l’occasion d’une d’étape dans ce travail, le Centre d’études diocésain a voulu rassembler en une journée d’étude un certain nombre de chercheurs et universitaires qui travaillent dans le champ des études dialectales en Algérie et au Maghreb, afin de poursuivre les débats qui animent aujourd’hui le champ des études dialectales.

 

La journée s’ouvrira par une double approche sociolinguistique et didactique de l’arabe algérien. Appréhendé dans sa dimension sociolinguistique et dans la globalité de ses usages, il s’agit de comprendre la manière dont l’arabe algérien, comme toute langue parlée et écrite par une communauté, connaît la variation, c’est-à-dire l’utilisation d’une série de niveaux et de registres de langue qui constituent une langue à part entière, indépendamment des facteurs politiques, sociaux, économiques et anthropologiques qui déterminent le statut de chacun de ces registres et leur place dans les pratiques d’une communauté. L’approche didactique se focalisera sur La Méthode Kamal© et ses contenus didactiques et langagiers.

Dans un second temps la parole sera donnée aux auteurs et éditeurs des dictionnaires bilingues récemment publiés.

La troisième partie de la rencontre sera animée par des spécialistes de l’une des variations de l’arabe algérien qui correspond au registre de la littérature populaire dans tous ses genres, registre souvent hermétique aux non initiés : chaabi, haouzi, melhoun, proverbes, bouqalate etc. Cette littérature apparait en effet comme le véritable corpus conservatoire des parlers algériens.

 

منذ 2012 صدرت على الأقل خمسة قواميس للدارجة الجزائرية*. و في السنين الأخيرة تطرقت وسائل الإعلام الناطقة أو المكتوبة بالعربية و الفرنسية لمسألة اللغات المستعملة و بالخصوص الدارجة الجزائرية في ملفات خاصة أو ندوات و غيرها عدة مرات، ضف إلى ذلك مبادرات الشبكات الاجتماعية لترقية التراث اللغوي و ترجمة نصوص علمية و أدبية إلى اللغة المحكية

 

كيف يمكن لنا أن نفسر هذا الاهتمام المتزايد بالدارجة الجزائرية ؟ و لماذا الآن ؟ هل يمكن اعتبار هذه الظاهرة علامةً على تطور المجتمع الجزائري الذي أصبح اليوم يلح على هويته الجزائرية ؟ هل لأنّ الدارجة عامل قوي في تشكل مجتمع المتكلمين الجزائريين و أساس الممارسات اللغوية اليومية لأغلبية المتكلمين فلا يمكن بأيّ حال من الأحوال أن نتجاهلها باسم الأصالة أو الخوف على العربية الفصحى هذا من جهة و من جهة أخرى هناك التراث الأدبي الشعبي الذي مازال مصدر الإلهام للجيل الجديد من الكتاب والشعراء و المغنين

 

ابتداء من 2013قام فريق من المختصين من جامعتي الجزائر و ران بعملية مراجعة و تجديد لطريقة كمال لتعليم العربية الجزائرية المؤلفة و المستعملة من طرف المركز الأسقفي للدراسات و الأبحاث مند أربعين سنة

 

بمناسبة تواجد الفريق هذا الأسبوع في الجزائر، ينظم المركز يوما دراسيا يجمع بعض الباحثين و الجامعيين اللذين يعملون في حقل الدراسات اللغوية و المهتمين بالدارجات المستعملة في الجزائر خاصة و المغرب العربي عامة

 

يُفتتح اليوم الدراسي بمقاربة سوسيولغوية للدارجة الجزائرية. القصد منها التأكيد على أن الدارجة لغة بالمعنى العلمي و أنّها تعرف كلّ الظواهر التي تعرفها اللغات الطبيعية البشرية إذا ما تناولنا ها مستقلة عن العوامل السياسية والاقتصادية و الاجتماعية والأنثروبولوجية التي تحدد وضعها في أيّ مجتمع. ترتكز المقاربة التعليمية على طريقة كمال و مضامينها اللغوية و التعليمية. في المرحلة الثانية تُعطى الكلمة للمؤلفين والناشرين للحديث عن القواميس المزدوجة الصادرة مؤخرا. في المرحلة الثالثة و الأخيرة يتطرق المختصون في الأدب الشعبي للتراث الأدبي بكل أنواعه : الشعبي و الحوزي و الشعر الملحون و الامثال و البوقالات مبرزين الدور الحاسم الذي يلعبه الأدب الشعبي في الحفاظ على الدارجة دون أن نتغافل عن التجديد الذي يلاحظ في السنوات الأخيرة في ميدان التأليف و الكتابة بالدارجة في الجزائر.

 

 

* مهدي براشد معجم العامية الدزيرية بلسان جزائري مبين(Editions Vescera, 2013)

Mohamed Nazim Aziri, Dictionnaire des locutions de l’arabe dialectal algérien, ANEP, 2012) ; Jihane Madouni-La Peyre Dictionnaire arabe algérien-français, Algérie de l’ouest de L’Asiathèque, 2014 ; Marcellin Beaussier et Mohamed Ben Cheneb Dictionnaire pratique arabe-français réédition OPU, 2014, Belkacem Ben Sedira Dictionnaire français-arabe de la langue parlée en Algérie, réédition Dar Khettab, 2015.

 

Illustration : Méthode Kamal, leçon 23, xla:set enna sselaa

اخلا صـت لـنا السـلـعـة

 


Lundi 20 avril 2015

Prémisses et premiers développements de la peinture de manuscrits en terres d’Islam

 

Eloïse Brac de la Perrière, Université de la Sorbonne

Les manuscrits enluminés figurent parmi les plus anciens vestiges matériels de la civilisation islamique. Sur la calligraphie, théorisée depuis des siècles, on connait beaucoup de choses, mais on néglige encore trop souvent les peintures qui ornaient ces ouvrages tantôt savants, tantôt divertissants.

Cette conférence invite à une promenade à travers l’histoire de la miniature arabe et persane, sa genèse et ses principales phases de développement, ses artistes et ses premiers chefs d’œuvres.

Docteure en histoire de l’art et spécialiste des manuscrits enluminés dans le monde islamique, Eloïse Brac de la Perrière a d’abord été collaboratrice scientifique au Département des Arts de l’Islam au Musée du Louvre. Depuis 2007, elle enseigne l’archéologie et l’histoire de l’art à l’Université de la Sorbonne où elle est maître de conférences et mène parallèlement un programme de recherche sur les manuscrits de Kalila wa Dimna avec la Bibliothèque nationale de France.

 


Dimanche 12 avril 2015

La retraduction des sources arabes médiévales en français : Al Idrîsî et Ibn Batouta

 

Lynda Touchi-Benmansour, CNRPAH – Alger

 

Les études traductologiques sur corpus bilingues français-arabe sont rares. Plus rares encore sont celles consacrées au phénomène de la retraduction dans ce même contexte bilingue. Nous nous intéressons particulièrement à la retraduction des sources arabes médiévales sur lesquelles, à notre connaissance, aucune étude comparée n’a encore été menée. Afin de vérifier la validité d’un postulat traductif connu, celui de l’hypothèse de retraduction, nous avons opté pour l’analyse contrastive d’un corpus composé d’extraits de récits choisis parmi deux sources arabes médiévales et leurs (re)traductions françaises: Al.Idrîsî dans Nuzhat El.Mushtâq fi.khtireq el.âfâq et Ibn Batouta dans Tuhfat An.nudhār fi Gharāib al.Amşār wa ‘Ajāib al.Asfār.

Lynda Touchi-Benmansour est attachée de recherche en traductologie au CNRPAH (Centre National de Recherches Préhistoriques, Anthropologiques et Historiques) à Alger. Traductrice spécialisée en préhistoire et anthropologie socio- culturelle du Maghreb et du Sahara, elle est l’auteure de plusieurs publications dont La poésie orale des rites festifs : du tamahaq à l’arabe et au français (Editions Universitaires Européennes, 2010), et la traduction vers l’arabe des tomes XXXII et XXXIV de la revue internationale Libyca (1984-1986). Elle est aussi l’auteure de nombreuses traductions dans le cadre des projets Euromed et « Des femmes écrivent l’Afrique ». Actuellement doctorante en traductologie à l’Université d’Alger, elle s’intéresse aux (re)traductions françaises de certaines sources arabes médiévales. Parmi ses dernières publications : « La note du traducteur dans les retraductions du Coran », in RIELMA, n° 5, 2012, pp.328-343 ; « La traduction poétique entre naturalisation et exotisation », in RIELMA, n° 6, 2013, pp. 81-93 ; « Les flux de traduction entre les deux rives de la Méditerranée », in TRANSLATIONES, n°5, 2013, p.92-104.

 


Mardi 31 mars 2015

L’art de la décolonisation : la bataille pour la restitution des œuvres d’art du Musée des Beaux-Arts d’Alger, 1962-1970

 

Andrew Bellisari, Harvard University - Etats-Unis

 

Mai 1962, deux mois avant le référendum d’autodétermination : les administrateurs français du Musée des Beaux-Arts d’Alger commandent le transfert, sous escorte militaire, de près de 300 œuvres d’art vers la métropole à destination du Musée du Louvre. Parmi ces toiles, des chefs-d’œuvre de la peinture française : Monet, Renoir, Pissarro, Degas, Delacroix. Cependant cette collection n’appartient plus à la France. En effet, au terme des accords d’Evian, la collection rapatriée en France est devenue la propriété officielle du futur Etat algérien et le nouveau gouvernement indépendant entend la recouvrer. Le sort de l’art « français » appartenant à l’Algérie sera l’objet d’âpres négociations pendant près d’une décennie avant que la France ne restitue la presque totalité des œuvres au Musée des Beaux-Arts d’Alger où elles constituent aujourd'hui l’une des plus grandes collections d’art européen du continent africain.

Cette communication examine non seulement la décision française d’agir en contravention des accords d’Evian, mais aussi la complexité culturelle du phénomène de la décolonisation dont les négociations menées entre la France et l’Algérie pour la restitution des œuvres d’art au Musée des Beaux-Arts d’Alger sont un bon exemple. Qu’est-ce qui est en jeu lorsque des œuvres d’art signées par quelques-uns des plus célèbres artistes français deviennent la propriété culturelle d’une ancienne colonie ? En outre, quels sont les enjeux liés au désir d’une ancienne colonie de revendiquer des œuvres d’art symboliques de l’ancien colonisateur comme élément précieux du patrimoine culturel de la patrie postcoloniale ? Les négociations menées dans le but de rapatrier l’art français en Algérie mettent en exergue les refontes culturelles précipitées par le processus délicat de la décolonisation. Elles viennent également questionner les connexions qui subsistent au « dés enchevêtrement » colonial, connexions qui ne sont pas si aisément reconnues dans le récit traditionnel de la « fin de l’empire ».

Andrew Bellisari est doctorant en histoire à Harvard University aux Etats-Unis. Il mène actuellement des recherches en France et en Algérie pour son travail de thèse : Colonial Remainders: Algeria, France, and the Culture of Decolonization, 1958-1970 (« Vestiges coloniaux : l’Algérie, la France, et la culture de la décolonisation, 1958-1970 »). En étudiant la période qui chevauche les dernières années de la lutte algérienne contre l’occupation française et la deuxième décennie de l’Algérie indépendante, son projet tente d’examiner la manière dont la décolonisation fut vécue sur le terrain par les acteurs locaux et interroge le devenir des liens coloniaux complexes qui ont perduré après la fin de l’occupation coloniale. Ce projet se focalise sur les négociations et les échanges entre Algériens et Français, la plupart du temps informels, au sujet du patrimoine et des questions de propriété, ainsi que sur la nature des réseaux interpersonnels.

 


Mardi 17 mars 2015

Cervantès, le captif de Hassan le Vénitien

 

Mohamed Mounir Salah, Université Alger 2

 

La présente communication nous permettra d’appréhender le phénomène de la captivité en Algérie à travers son caractère ambivalent, historique et littéraire. Nous aborderons l’itinéraire particulier de Cervantès et l’épisode de la captivité du poète à Alger (1575-1580) à partir du récit « Histoire du captif d’Alger » extrait du roman Don Quichotte et d’autres réminiscences algéroises qui figurent dans plusieurs œuvres de sa production littéraire. Par ailleurs, nous reviendrons sur l’amitié de Cervantès avec l'un des plus illustres captifs de cette époque, le Docteur Antonio De Sosa, probable auteur de la Topographie et histoire générale d’Alger qui constitue une œuvre-clé dans l’historiographie algérienne du XVIe siècle.

Docteur de l'Université de Barcelone, Monsieur Mounir Salah est professeur au département d’espagnol de l'Université Alger 2. Spécialiste de philologie espagnole, M. Salah a publié sa thèse sous le titre El Doctor Sosa y la topografía e historia general de Argel, soutenue et publiée par la Faculté des Lettres de l'Université Autonome de Barcelone en 1990. Ses travaux établissent que l'auteur de la Topographie et Histoire Générale d'Alger n'est pas Fray Diego de Haedo, Abbé de Fromista, nom sous le quel elle a été publiée pour la première fois en 1612, mais le Docteur Antonio de Sosa, ami et compagnon de captivité de Cervantès à Alger.

 


Samedi 21 février 2015

Abdelmajid Meziane

(1926-2001), penseur, homme de foi et de dialogue. Evocation d’un itinéraire

 

Mme Karima Benyelles : « Abdelmajid Meziane : les convictions d'un visionnaire ».
Archives radiophoniques de Abdelmajid Meziane : Conférence « Jacques Berque et l'Islam, ENTV, 1988.
M. Abdelaziz Rahabi : « Abdelmajid Meziane : l'ijtihad pour la liberté ».
P. Maurice Borrmans : témoignage radiophonique.
Archives radiophoniques de Abdelmajid Meziane : « Regards sur la société algérienne », 2000.
M. Zoheir Meziane : « Quelques éclairages sur la pensée de Abdelmajid Meziane ».
Mgr. Tessier, Archevêque émérite d 'Alger: « Abdelmajid Meziane et la relation islamo-chrétienne ».

Abdelmajid Meziane, (1926-2001) fut un haut fonctionnaire et un homme politique algérien qui a marqué la scène politique et intellectuelle de l’Algérie indépendante. Militant engagé très jeune dans la révolution algérienne, il a été notamment la première voix de la radio de « l’Algérie libre et combattante », sous le pseudonyme de Salaheddine.

Il a occupé diverses hautes fonctions dans l’appareil d’état algérien : Préfet de la Saoura : 1962-1963 ; Préfet d’Oran : 1963 ; Directeur de cabinet de la présidence : 1963-1965 ; Recteur de l’université d’Alger : 1980-1981 ; Ministre de la culture puis de la culture et du tourisme : 1982-1986 ; Président du Haut Conseil Islamique : 1998-2001.

Philosophe et théologien et sociologue, il a enseigné la philosophie et la sociologie dans plusieurs universités et grandes écoles: Universités d’Alger, d’Oran et de Tlemcen ; Ecole Nationale d’Administration d’Alger ; Ecole normale supérieure d’Alger ; Académie militaire interarmes de Cherchell. Fondateur de la chaire de socilologie de l’Université d’Alger, il fut inspecteur général de philosophie dans les années 1970.

Auteur d’une étude philosophique et sociologique sur les théories économiques d’Ibn Khaldun - النظريات الإقتصادية عند إبن خلدون, SNED, Alger, 1981, il a laissé de nombreux écrits relatifs à la connaissance de la civilisation musulmane dans ses fondements et ses réalités, ainsi qu’aux questions économiques, politiques et culturelles en Islam. Il a également animé sur ces mêmes thématiques des programmes radiotélévisés : émission co-animée avec Abdallah Cheriet, RTA, années 70, émission "Connaître l'Islam", Antenne 2, 1994 et 1998 ; Emissions "Al Djaliss" ENTV, 1997.

Membre de plusieurs académies, il a collaboré avec de nombreuses publications, الثقافة, Ministère de la culture ; La Revue du Livre, SNED ; Révolution Africaine ; La Revue du Haut Conseil Islamique.

Dès les années 1960, il s’engagé dans la promotion du dialogue islamo-chrétien aux côtés de d’islamologues et de penseurs chrétiens et musulmans, dont Louis Gardet, Georges Anawati, Jacques Berque, Mohamed Aziz Lahbabi, Maurice Borrmans.

Membre du comité de rédaction de la revue Islamochristiana dès sa création en 1975, il a animé dans les années 70 plusieurs cycles de conférences à l’Institut Pontifical d’Etudes arabes et Islamiques (Rome).

 


 

Lundi 16 février 2015

Frantz Fanon et le personnel soignant à l'hôpital psychiatrique de Blida-Joinville

 

Paul Marquis, Centre d'histoire de Sciences Po - Paris

 

Lorsqu'il arrive à l'hôpital psychiatrique de Blida-Joinville en tant que médecin-chef à l'automne 1953, le docteur Frantz Fanon découvre une situation contrastée. Vingt ans après l'admission des premiers malades, l'équipement médical est encore tout à fait satisfaisant. Mais l'établissement psychiatrique, qui demeure le seul en fonctionnement sur le sol algérien, souffre d'un surencombrement massif qui gêne considérablement la prise en charge des malades. L'hôpital sort par ailleurs d'une longue grève qui a profondément bouleversé le quotidien de l'établissement.

 

C'est dans ces conditions que le jeune médecin entame une série de réformes en vue d'améliorer les soins et traitements délivrés aux patients dans les pavillons dont il a la charge. Au cœur de ces réformes figurent ceux qui interagissent quotidiennement avec les malades : les membres du personnel soignant. Les mesures entreprises à l'initiative du docteur Fanon ont-elles contribué à faire évoluer les pratiques du personnel de soins et les relations entretenues avec les patients de l'hôpital ? Basée sur l'analyse d'archives largement inédites, cette présentation abordera un aspect méconnu de l'action de Frantz Fanon à l'hôpital psychiatrique de Blida-Joinville.

 

Paul Marquis est doctorant au Centre d'histoire de Sciences Po Paris. Après avoir travaillé sur la psychiatrie militaire pendant la Première Guerre mondiale, il mène aujourd'hui un projet de recherche sur la psychiatre dans l'Algérie coloniale, sous la direction de Guillaume Piketty. Il s'intéresse en particulier, dans une perspective d'histoire sociale, à l'établissement psychiatrique de Blida-Joinville entre 1933 et 1962.

 


Jeudi 22 janvier 2015

Les routes des caravanes et la transmission du savoir en Afrique

 

Saïd Bouterfa, Projet Manuscrits de la Méditerranée

 

L’histoire économique et culturelle de l’Afrique ne peut se dissocier de l’histoire et de l’évolution qu’a connu le commerce transsaharien, grâce à l’introduction du dromadaire, conjugué à la découverte de nouvelles voies de communications, voies qui permirent l’intensification des échanges entre le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest du continent africain, l’Orient et l’Occident musulman.

 

Mais en réalité que savons-nous des mouvements caravaniers, et du rôle qui fut le leur, dans la transmission du savoir et sur le volume des échanges que ce moyen autorisa ? Nous avons du mal à nous imaginer aujourd’hui l’importance et la densité d’un tel réseau, qui, pareil aux fils d’une immense toile, contribuera de façon substantielle au développement économique et culturel du continent africain. Reliées entre elles par le mouvement ininterrompu des caravanes, des cités prestigieuses virent ainsi le jour, grâce à cet extraordinaire réseau de communication.

 

Saïd Bouterfa est le coordinateur du projet Manumed (Manuscrits de la Méditerranée) I et II, Euromed Héritage III et IV. Coordinateur du projet « Le Touat à la croisée des routes sahariennes, XIIIe - XVIIIe, sources espaces et circulation » IRHT, CNRS. Il est l’auteur de l’ouvrage « Les manuscrits du Touat », Manuscrits algérien et conservation préventive. (Atelier Perrousseaux, BARZAKH 2005).

 


Jeudi 8 janvier 2015

Les associations d’aide sociale en Algérie et en France pendant la décolonisation : une analyse genrée

 

Elise Franklin, Boston College - Etats-Unis

J’aborderai les rapports entre l’Algérie indépendante et la France sous l’angle de la vie associative. Pendant la guerre de libération, les associations françaises d’aide sociale sont apparues à la fois en France et en Algérie. Utilisées souvent comme instruments politiques de la guerre, les associations d’aide sociale ont été subventionnées par l’Etat français.

 

Après l’indépendance, cependant, beaucoup de ces associations ont continué leur action sociale auprès des migrants algériens en France et des Algériens en Algérie. Leur permanence nous conduit réexaminer la politique de l’aide sociale pendant et après la guerre de libération, en particulier au travers une analyse genrée des méthodes et des discours des associations auprès des femmes et des familles. Si elles n’étaient qu’un instrument politique de propagande auprès des femmes, pourquoi ont-elles subsisté après l’indépendance ? Dans quelle mesure l’action sociale auprès des familles qui incluait des cours de français, d’hygiène et de puériculture faisait-elle partie des vestiges de l’empire colonial ? Mon propos questionnera les récits traditionnels de la décolonisation et le tracé communément admis de la frontière avant/après 1962.

 

Elise Franklin est doctorante en histoire au Boston College aux Etats-Unis. Elle prépare une thèse en histoire sociale, A Slow End to Empire : Associations, Migration, and Decolonization in France and Algeria, 1954-1979 (« La longue fin de l'empire: associations d’aide sociale, migration, et décolonisation en France et Algérie, 1954-1979, ») qui porte sur les associations d’aide sociale en Algérie et en France. En suivant le processus de la décolonisation, sa thèse traite d’une histoire sociale commune entre l'Algérie et la France à travers les familles algériennes et les assistants sociaux par delà la frontière de 1962. Pensionnaire étrangère à l’Ecole normale supérieure pour l’année 2013-2014, sa recherche est soutenue la Society for French Historical Studies.