بستان في مدينة الجزائر

 

Il est un jardin secret dans ma ville, un jardin entre mer et ciel, un jardin clos de murs et seulement connu de ceux qui le connaissent.

 

En réalité, ce jardin est double ou multiple, un peu à la manière des poupées russes que l’on fait entrer les unes dans les autres ; lorsque vous pénétrez dans mon jardin secret, poussez une porte pour découvrir le jardin qui est dans le jardin, passez le coin du mur pour découvrir le jardin qui est derrière le jardin, mettez vous sur la pointe des pieds pour voir ce que les plus petits ne verront pas.

 

 Ce jardin porte le nom d’une fleur, ce qui n’est pas très original pour un jardin ; bien que, dans ma ville, les jardins portent plus souvent un nom de lieu, un nom de saint, le nom de leur créateur, que le nom d’une fleur ; ou bien on les a renommés du nom de villes lointaines que les gens du quartier ne connaissent pas toujours.

Mon jardin porte le nom d’une fleur, comme la rue dans laquelle il est situé ; le nom d’une fleur qui met ma femme en joie, c’est une devinette difficile, car des milliers de fleurs mettent Anne-Marie en joie. A dire vrai, ce jardin n’enchante pas qu’Anne-Marie, mais aussi les habitants de la maison qui est dans le jardin. Peut-être que certains des habitants sont comme moi, peut-être que certains ne connaissent rien aux fleurs, enfin juste de quoi se réjouir des couleurs et des odeurs ; alors que les autres sont comme Anne-Marie, ils les connaissent toutes par coeur.

En mai dernier, nous avons croisé Nicolas dans le jardin ; Nicolas ne connaît pas les fleurs, pas beaucoup, mais cela ne l’empêche pas de les aimer, et de les peindre. Peindre le rouge des géranium et le rouge des hibiscus, le violet des bougainvillées et le mauve de la misère, cette plante grasse qui n’a besoin que de l’air du Bon Dieu pour pousser, le vert de la vigne vierge, le bleu des jacarandas et le bleu de la fleur dont le jardin porte le nom.

Nicolas a peint le jardin et ses fleurs ; comme il ne connaissait pas le nom de toutes les fleurs qu’il peignait, il a demandé à Anne-Marie de les lui dire ; et bien qu’Anne-Marie ne sache pas dessiner, elle a pu ainsi entrer un peu dans le dessin.

 

Quant à moi, je ne sais pas dessiner, et je ne connais pas le nom des fleurs ; ou du moins telle est ma réputation. Ce que je sais et ce que j’aime faire, c’est écrire des histoires qui n’en finissent pas, des histoires dont les lecteurs se demandent toujours où je veux en venir, pourquoi je les raconte, quand on arrivera à la fin, etc.

 

Mais moi je sais bien ce que je raconte, je raconte une histoire d’amour avec un jardin, un jardin dans ma ville, entre ciel et mer, qui porte le nom d’une fleur bleue, et dont j’hésite encore à vous dire le nom et où il est, parce que c’est un jardin secret connu seulement de ceux qui le connaissent.

 

Je pourrais encore vous dire que dans le premier jardin, le jasmin et le galant de nuit se partagent la tâche d’embaumer le jour et la nuit, que dans le jardin de derrière les abricotiers prolifèrent et que le jardinier a planté des tomates, que les acanthes sont partout, ...

Je pourrais aussi vous dire que dans ce jardin, et dans la maison qu’il abrite, on entend parler beaucoup de langues différentes, les langues de ma ville, les langues du monde, les langues des nombreux pays d’où viennent les hôtes de la maison : Europe, Amériques, Asie, Océanie, ...

 

Je pourrais même vous dire qu’un jour, ou un soir, ce jardin a suscité une vive discussion : est-ce un jardin d’agrément, et dans ce cas il faut l’appeler djenan, ou un jardin pour se nourrir, et alors il est mabqala, mais notre jardin n’est pas un jardin public, hadiqa.

 

Bien sûr, tout aurait été plus simple si je vous avais dit tout de suite que la fleur bleue qui a donné son nom à la rue et au jardin s’appelle une glycine, houloua.

Mais chut, c’est un secret ! Si tout le monde savait qu’un tel jardin existe, un jardin secret connu seulement de ceux qui le connaissent, ce jardin secret disparaîtrait pour toujours. Peut-être n’a-t-il jamais existé que dans les pinceaux de Nicolas et dans mon imagination de conteur ?

 

© Alexandre Faulx-Briole, 15 septembre 2006


C'est la rentrée aux glycines

 

Je suis venu aux Glycines pour la première fois en juillet 2018 afin d’y effectuer un stage intensif d’apprentissage d’arabe dialectal. Le centre des Glycines offre plusieurs formules d’apprentissage de l’arabe : des stages intensifs qui durent deux ou trois semaines, des cours du soir qui ont lieu tout au long de l’année scolaire et des cours particuliers.

 

Vous pouvez y apprendre l’arabe littéraire et, de manière plus originale, l’arabe dialectal algérien avec une méthode qui a démontré son efficacité, la « méthode Kamal ». Les cours sont intenses et permettent de travailler l’écoute, d’apprendre beaucoup de vocabulaire immédiatement utile dans les rues d’Algérie et d’acquérir de solides bases grammaticales. Je tiens à souligner ici la qualité des cours de mon professeur, elle est vraiment la personne idéale pour apprendre l’arabe : compétente, patiente et pédagogue avec ses élèves. Après avoir suivi ce stage, je peux affirmer qu’il est très difficile –voire impossible- de trouver un meilleur lieu pour apprendre l’arabe dialectal algérien en Algérie ou en France. Je suis tellement convaincu par les cours proposés par les Glycines que j’ai décidé d’y revenir en cette rentrée pour suivre les cours du soir.

 

Les Glycines, c’est aussi et peut être surtout l’opportunité de rencontrer des personnes exceptionnelles. Les élèves sont de tout âge : dans ma classe, de 13 à 71 ans ! Ils viennent du monde entier : Belges, Français, Allemands, Canadiens, Burkinabais, Tunisiens et Algériens. L’hébergement permet également de belles rencontres. Les déjeuners et dîners sont intéressants de par la diversité et la qualité des personnes que l’on peut y rencontrer.

 

Un dîner typique des Glycines regroupe une dizaine de personnes d’au moins 6 nationalités différentes avec des chercheurs, des écrivains, des cinéastes, des architectes… Chaque personne ayant une histoire originale à raconter sur les raisons qui la poussent à venir dans ce beau pays qu’est Algérie. Cela peut être pour des recherches liées à une thèse doctorale, pour des rendez-vous professionnels ou encore pour des vacances, mais à chaque fois on retrouve un intérêt prononcé voire une passion pour ce pays. Ce que je retiens c’est la richesse des débats et l’ouverture d’esprit que j’ai pu trouver en ce lieu. On remarque à quel point les anciens locataires ou élèves des Glycines y reviennent très souvent. Finalement, la devise de Suresnes (ville française des Hauts-de-Seine) pourrait très bien s’appliquer aux Glycines : « Nul ne sort des Glycines qui souvent n’y revienne ». Tous ces gens forment une communauté aux multiples visages.  Et c'est notre tâche à tous de continuer à la faire vivre, comme le disait récemment sœur Chantal, nouvelle directrice des Glycines.

 

Le centre des Glycines, dans son cadre verdoyant, est un lieu calme et apaisant en plein cœur d’Alger.  C’est un endroit propice au travail et à la méditation. La qualité de l’hébergement et de la restauration permettent au voyageur de se concentrer sur ses obligations académiques et/ou professionnelles. Tout cela fait bien des Glycines un lieu unique et c’est grâce au travail de toute l'équipe dévouées à leur tâche.

 

 

Un résident – Septembre 2018

 

 


 

Si nos attentes envers le cours intermédiaire d’arabe dialectal (derija) étaient hautes, l’expérience que nous avons eu les a de loin dépassée. D’abord, notre enseignante était superbe. Sa patience pratiquement bouddhiste et sa belle énergie tout à fait algérienne nous ont ravies ! En trois semaines, nous avons parcouru un cursus aussi passionnant qu’épuisant. Nous avons, non seulement, exploré de manière approfondie la derija, à travers l’analyse de la structure et d’un vocabulaire pratique, mais également, à notre plus grande surprise, revisité notre arabe classique. En partant d’une base en arabe littéraire, il nous a été possible d’effectuer rapidement les parallèles avec le dialectal algérien. Cela nous a permis d’explorer la diversité et la malléabilité de la langue arabe. Les efforts effectués ont été largement récompensés par les échanges quotidiens à l’extérieur des cours. Malgré certains sourires de nos interlocuteurs, nous avons su nous faire bien comprendre et cela fut gratifiant. Nous sommes tellement satisfaites que, déjà, nous envisageons de revenir l’année prochaine pour le cours avancé. y3atiku:m essaha !

 

Une chercheuse allemande et une doctorante française en sciences sociales


 

 

Un passage aux Glycines

 

Les Glycines sont ouvertes et fermées. La porte, sur le chemin Hocine Slimane, reste ouverte tout le jour. Le bâtiment principal, lui, est à demi-fermé sur le jardin intérieur, avec sa bibliothèque, ses salles de cours, ses lieux de vie commune, ses chambres à l’étage, enfin sa terrasse, qui donne sur la ville, et sur la mer. Il faut monter, depuis les bas de la ville, pour rejoindre ce lieu accessible, légèrement excentré.

 

On ne fait pas halte par hasard aux Glycines. Après une première fois, l’hospitalité peut transformer le lieu de passage en lieu de résidence, pour quelque temps à chaque fois. Combien en font l’expérience, comme d’un secret bien partagé ? Je ne suis venu jusqu’à présent que trois fois aux Glycines. Et déjà le hasard des croisements a fait de ce lieu un lieu où plusieurs se retrouvent, venant avec projets et réalisations divers : chercheurs, écrivains, étudiants, artistes, femmes et hommes aux qualités diverses, mais qui tous entretiennent une relation non anodine avec l’Algérie.

 

Plusieurs vont et viennent ainsi aux Glycines, depuis plus ou moins longtemps. Plusieurs, mais chaque fois différents, ils se rencontrent, fugacement, le matin, avant de rejoindre leurs occupations, au dedans ou, le plus souvent, au dehors, et plus longuement, quand la cloche appelle aux repas, le soir surtout. Il n’y a pas de communauté, mais des occasions de se rassembler, selon le hasard des tablées.

 

Tout cela grâce aux gens du lieu : le père Guillaume, qui a fait des Glycines un moviment, comme aurait dit Francis Ponge, un lieu bien ordonné pour permettre les échanges, un cœur dans la ville pour ceux qui ne peuvent l’habiter durablement ; aujourd’hui : sœur Chantal, sœur Angélique, tous, celles et ceux qui y travaillent, et veillent à l’entretien. Merci à eux de maintenir ce lieu avec tact entre, à côté de, avec, dans la ville. Car il est là pour mieux permettre de faire des sorties.

 

Un résident aux Glycines du 27 octobre au 1er novembre 2018