Augustin d'Hippone, témoin des difficultés du pouvoir impérial en Afrique

Thomas Villey, professeur agrégé d’histoire, docteur en histoire ancienne de l’Université de Caen Normandie et membre associé du Laboratoire d’études sur les  monothéismes (LEM) (UMR 8584). Il collabore par ailleurs depuis 2017 à la Bibliographie analytique de l’Afrique antique.

 

 

Au moment où Alaric entra dans Rome le 24 août 410 et livra la Ville au pillage durant trois jours, l’Afrique apparaissait comme la région la plus sûre de toute la partie occidentale de l’Empire romain. C’est d’ailleurs en Afrique que vinrent se réfugier les membres des familles aristocratiques romaines désireux de se mettre à l’abri des Goths. En 429 pourtant, l’armée vandale franchit le détroit de Gibraltar et pénétra en Afrique, où son chef Genséric ne tarda pas à se bâtir un royaume, centré à partir de la prise de Carthage en 439 sur la province de Proconsulaire. Le chef vandale mettait ainsi fin à l’autorité impériale sur les régions les plus romanisées d’Afrique, qui étaient dans le giron de Rome depuis plus de cinq siècles.

 

Augustin, contemporain du sac de Rome qu’il a évoqué dans le De civitate Dei et dans sa série de sermons sur le sac de Rome, fut aussi le témoin direct de la conquête vandale de l’Afrique, puisqu’il mourut en 430 dans sa ville d’Hippone assiégée par les guerriers germaniques. Cet effondrement de l’autorité impériale en Afrique ne fut pas toutefois un coup de tonnerre dans un ciel serein : celle-ci avait déjà été mise à mal à plusieurs reprises entre le moment où Augustin devint évêque d’Hippone en 395/396 et l’arrivée des Vandales en Afrique. L’objectif de cette communication est d’étudier un certain nombre d’événements ou de phénomènes symptomatiques de ces difficultés, dont Augustin fut le témoin privilégié et pour l’étude desquels il constitue une source importante, même si l’évêque d’Hippone n’accorde pas à tous ces événements la même importance que l’historien moderne. Plus que sur les désordres liés aux violences religieuses, qui ont récemment fait l’objet d’une étude importante de B.D. Shaw, nous nous proposons de revenir ici sur le jeu trouble de certains comtes d’Afrique (Gildon, Heraclianus, Boniface), dont les ambitions ont remis en cause la loyauté à l’égard de l’empereur romain d’Occident, voire, dans les cas de Gildon et d’Heraclianus, conduit à des affrontements meurtriers entre armées romaines.

 

Cette communication s’intéresse également de près aux difficultés croissantes du pouvoir impérial, en particulier durant la décennie précédant l’invasion vandale, à assurer la sécurité publique en Afrique, sécurité mise à mal notamment par les incursions maures dans les provinces romaines ainsi que par une recrudescence du brigandage, bien documentées par la correspondance d’Augustin. Enfin, la dernière partie de la conférence est consacrée à l’invasion vandale, notamment à travers l’étude de la dernière lettre d’Augustin conservée qui évoque cette invasion et celle du témoignage du biographe d’Augustin, Possidius de Calama.

 

Bibliographie indicative :

 

 

 

Sources :

 

Augustin, Contra Cresconium, éd. M. Petschenig / trad. G. Finaert, BA 31, Paris, 1968.

 

Augustin, Contra epistulam Parmeniani libri tres, éd.M.Petschenig / trad. G. Finaert, BA 28,Paris, 1963.

 

Augustin, Contra litteras Petiliani, éd. M. Petschenig / trad. G. Finaert, BA 30, Paris, 1967.

 

Augustin, Lettres 1*-29*, éd. J. Divjak / trad. par différents auteurs, BA 46 B, Paris, 1987.

 

Augustin, Epistulae I-LV, éd. K. DDaur, CCSL 31, Turnhout, 2004.

 

Augustin, Epistulae LVI-C, éd. K. D. Daur, CCSL 31 A, Turnhout, 2005.

 

Augustin, Epistulae CLXXXV-CCLXX, éd. A. Goldbacher, CSEL 57, Vienne-Leipzig, 1911.

 

Augustin, Sermones I-CCCXL, éd. J.-P. Migne, PL 38, Paris, 1841.

 

Augustin, Sermones Denis, éd. M. Denis, dans D.G. Morin, Miscellanea Agostiniana, vol. 1, Sancti Augustini sermones, Rome, 1930 (= MA 1), p. 1-164.

 

Possidius de Calama, Vie d’Augustin, trad. française par J.-P. Mazières, dans Trois vies. Cyprien, Ambroise et Augustin par trois témoins, Paris, 1994, p. 105-169. [texte latin dans PL 32, col. 33-66.]

 

Études modernes :
P. Brown, Le vie de saint Augustin. Nouvelle édition augmentée, Paris, 2001 (pour la traduction française).

 

A.H.M. Jones, J.R. Martindale, J. Morris, The Prosopography of the Later Roman Empire. Volume I. A.D. 260-395, Cambridge-New York-Melbourne, 1971 (= PLRE I).

 

S. Lancel, Saint Augustin, Paris, 1999.

 

A. Mandouze, Prosopographie chrétienne du Bas-Empire. Prosopographie de l’Afrique chrétienne (303-533), Paris, 1982.

 

J.R. Martindale, The Prosopography of the Later Roman Empire. Volume II. A.D. 395-527, Cambridge-New York-Melbourne, 1980 (= PLRE II).

 

Y. Modéran, Gildon, les Maures et l’Afrique, dans Mélanges de l’École Française de Rome. Antiquité, 101, 1989, p. 821-867.

 

Y. Modéran, Gildon (Gildo), s.v., dans Encyclopédie berbère, 20, 1998, p. 3134-3136.

 

Y. Modéran, Les Maures et l’Afrique romaine. IVe-VIIe siècle, Rome, 2003.

 

Y. Modéran (édité par M.-Y. Perrin), Les Vandales et l’empire romain, Paris, 2014.

 

B.D. Shaw, Sacred Violence. African Christians and Sectarian Hatred in the Age of Augustine, Cambridge-New York, 2011.

 

 

Note sur le conférencier :

 

Thomas Villey est professeur agrégé d’histoire, docteur en histoire ancienne de l’Université de Caen Normandie et membre associé du Laboratoire d’études sur les monothéismes (LEM) (UMR 8584). Sa thèse sur « les juifs et le judaïsme en Afrique du Nord de 312 à 429 », commencée sous la direction d’Y. Modéran et achevée sous la direction conjointe de M.-Y. Perrin et de P. Sineux, est en voie de publication. Il collabore par ailleurs depuis 2017 à la Bibliographie analytique de l’Afrique antique.